droit bancaire interne droit commercial contentieux et arbitrages
Publié le 22 octobre 2021 par Denis LAURENT, Magali TARDIEU CONFAVREUX et Nicolas BAUCH-LABESSE
L’Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 prise en application de l'article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 dite loi « Pacte » vient achever la réforme des suretés initiée par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006..
L’un des objectifs de cette réforme est de faire du Code civil un catalogue normatif des sûretés, en y intégrant certaines dispositions éparpillées au sein de codes ou textes spéciaux, en abrogeant encore les sûretés et dispositions jugées désuètes, inutiles ou obsolètes et enfin en codifiant certaines sûretés nées de la pratique.
Ainsi, hormis des dispositions importantes impactant le droit du cautionnement et son contentieux, dont une sélection est présentée ci-dessous, il convient de relever que :
Le Top 10 TGLD des dispositions relatives au cautionnement :
N° 9. L’article 2309 du Code civil relatif au recours avant paiement de la caution disparaît
N°6. La distinction entre obligation de couverture et de règlement du cautionnement est codifiée
N°5. Les obligations d’information légales de la caution sont toutes regroupées dans le Code civil
Une exception : l’obligation d’information qui s’applique à compter du 1er janvier 2022 à tout cautionnement (cf n°5).
Le droit du cautionnement ne prévoit plus de recours avant paiement au sein du Code civil, jugé « désuet ».
Ceci-dit, le droit des entreprises en difficulté et dernièrement l’ordonnance du 15 septembre 2021 prévoient que les cautions entre autres personnes coobligées et constituantes peuvent déclarer leur créance « pour tout ce qu’elles ont payé à la décharge du débiteur » (article L. 622-33 du Code de Commerce), mais ne prévoient nullement qu’elles ne puissent pas déclarer des sommes non exigibles conformément aux dispositions de l’article L. 622-25 du même code.
Le Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance portant réforme du droit des suretés, fait d’ailleurs immédiatement référence à la possibilité, maintenue au sein du Code de commerce pour la caution, de déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur principal, « alors même qu'elle n'aurait pas encore payé le créancier ».
La déclaration de créance de la caution non solvens à la procédure collective du débiteur est donc sauve. Il ne pourrait en être autrement notamment lorsqu’il existe une sous-caution. Le créancier initial n'étant titulaire d'aucun droit à l'égard de cette dernière, la caution qui omet de déclarer sa créance au passif du débiteur principal voit celle-ci éteinte à l'égard de la sous-caution (Cass. com. 30 mars 2005, n° 00-20.733).
Une particularité : aux termes du nouvel article 2320, lorsque le débiteur bénéficie d’une prorogation de terme, la caution n’est pas libérée mais peut (1) payer, (2) refuser de payer le créancier avant l'échéance reportée, ou (3) demander la constitution d'une sûreté judiciaire sur les biens du débiteur ; les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement étant alors présumées.
La jurisprudence y tendait mais, il est désormais clairement prévu par le Code civil que, pour être déchargée à mesure de la perte invoquée, la caution doit établir l’existence d’un préjudice, lequel doit être imputable à une faute du créancier et non seulement à un fait causal de sa part.
Le texte précise à propos du créancier, « sans pouvoir lui reprocher le choix du mode de réalisation d’une sûreté » afin, principalement, selon le rapport au Président de la République, de ne pas porter une atteinte excessive aux droits du créancier, notamment de choisir de ne pas devenir propriétaire du bien grevé contrairement à ce que retiennent certains arrêts ayant déchargé la caution faute de demande afin d’attribution judiciaire du gage (Cass. com., 8 mars 2017, n° 14-29.819 ; Cass. com., 13 mai 2003, n° 00-15.404).
Les futurs articles 2317 à 2320 du Code civil reprennent les apports de la jurisprudence relative à la distinction entre obligations de couverture et de règlement.
En synthèse, il est désormais prévu au sein du Code civil que le cautionnement couvre les dettes, même non exigibles, nées avant le terme, qu’il soit contractuel, intervienne par effet de sa résiliation, par effet du décès de la caution, ou de transmission universelle du patrimoine du créancier et du débiteur. Dans ce dernier cas, le cautionnement couvre encore celles nées postérieurement si la caution consent à maintenir son engagement.
Concernant la caution, le Code prévoit désormais que la fusion de la caution n'a pas d'incidence sur le cautionnement, lequel est transmis de plein droit, en réaction semble-t-il à un arrêt rendu par la chambre commerciale le 7 janvier 2014 (Cass. com., 7 janv. 2014, n° 12-20.204),
En toutes hypothèses, la caution reste tenue de régler les dettes exigibles au moment du terme.
Il sera plus simple de s’y retrouver tant pour les créanciers, que pour les débiteurs des obligations d’informations annuelles et sur la défaillance du débiteur, actuellement éparpillées entre les Code monétaire et financier, de la consommation, et Code civil, et qui pouvaient donner lieu à des discussion sur leur champ et leur applicabilité dans le temps.
Ces obligations sont reprises au sein du Code civil par les articles 2302 à 2304 nouv. du Code civil, et bénéficient :
Ces textes entrent en vigueur au 1er janvier 2022, et sont les seuls applicables aux cautionnements souscrits avant cette date puisque l’article 37 de l’ordonnance en fait une exception à leur soumission à la loi ancienne.
Peu importe la personne de la caution, si la dette garantie est commerciale, le cautionnement « entre toutes personnes » l’est aussi par accessoire. Espérons que la clarté de cette disposition mettra fin au contentieux sur la compétence du Tribunal de commerce, ainsi qu’aux discussions et décisions aléatoires portant sur l’intérêt patrimonial de telles cautions.
En premier lieu, les dispositions bien connues du Code de la consommation relatives à la mention manuscrite en matière de cautionnement (art. L. 331-1 à L. 331-3 et anc. L. 341-1 à L. 341-3 du Code de la consommation) sont abrogées.
La jurisprudence y afférent, consistant parfois à se prêter au « jeu des sept erreurs » s’agissant d’un formalisme manuscrit à répéter mot à mot sur l’acte devrait également l’être, même si celle-ci tendait déjà depuis un certain temps à une interprétation concentrée sur le sens et la protection du consentement plutôt que littérale.
L'article 2297 nouv. du Code civil unifie les règles dispersées relatives à la mention, condition de formalisme de validité pour la caution personne physique, et qui consiste désormais à l’apposition d’une mention désignant avec suffisamment de précision la nature et la portée de l'engagement, qui n’a plus à être écrite de la main de la caution.
Il est à ce titre parfaitement probable que les créanciers conservent les mentions existantes, le Rapport au Président de la République précisant d’ailleurs que la reprise de la mention qui figure aujourd'hui dans le code de la consommation serait indiscutablement de nature à satisfaire cette exigence.
Autre nouveauté : la mention obligatoire de la caution n’est plus restreinte aux cautionnements souscrits auprès de créanciers professionnels, les cautionnements entre personnes physiques sont aussi concernés, dont les cautionnements de baux d’habitations.
Reste toutefois à déterminer, s’agissant des futurs cautionnements souscrits de manière dématérialisée, le degré de sécurité et d’authenticité de la signature électronique requise aux termes de l’article 1174 du Code civil.
La caution assignée en paiement se prévaut déjà du manquement du prêteur à l’obligation prétorienne de mise en garde concernant l’emprunteur insuffisamment solvable et/ou les risques de l’opération.
L’article 2299 nouv. du Code civil encadre dorénavant cette obligation de mise en garde et évoque :
La rédaction de ce texte interroge sur la nature et l’appréciation du préjudice, dont il prévoit qu’il doit être à la mesure de la déchéance encourue : s’agira-t-il d’une perte de chance ? La demande suivra-t-elle le régime procédural de l’action en responsabilité ? Evince-t-elle tout autre fondement ? Nous ne sommes pas certains que le contentieux de la mise en garde se tarira…
La réduction du cautionnement disproportionné est une sanction applicable entre non professionnels.
Concernant le cautionnement de personne physique bénéficiant aux créanciers professionnels, la sanction était jusqu’alors une déchéance totale, entrainant un contentieux fourni, ce d’autant que les critères de la disproportion sont essentiellement soumis à l’appréciation des juges du fond, et que les solutions peuvent parfois paraître aléatoires alors que la sanction est implacable.
Il est dès lors heureux que l’article 2300 nouv. du Code civil, les remplaçant prévoie désormais que « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. ».
La sanction de décharge totale est donc substituée par celle d'une réduction au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager au regard de son patrimoine et de ses revenus. En revanche, la rédaction très précise de cet article semble ne plus permettre d’opposer le retour à meilleure fortune pour éviter la réduction du cautionnement.
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