droit bancaire interne
Publié le 09 décembre 2019 par Nicolas BAUCH-LABESSE
A l’heure où les fraudes sur instruments de paiement sont de plus en plus répandues, où les phishing ou autres spoofing concentrent les feux de l’actualité, cet arrêt est d’importance quand on sait que les fraudes sur chèques restent de loin les plus fréquentes (voir les Echos, 09/07/2019).
L’intervention de quatre acteurs (tireur, banque tirée, banque présentatrice et bénéficiaire) rend intéressants le régime du chèque et la jurisprudence qui s’attache à délimiter les responsabilités de chacun.
Il est de jurisprudence constante que la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente lors de l’encaissement d’un chèque portant une telle mention, de sorte que la banque tirée, qui verse la provision à la banque présentatrice pour qu’elle en crédite le compte de l’un, l’autre ou des deux bénéficiaires, n’est pas tenue de vérifier auprès du tireur la sincérité de la mention. Elle n’est pas non plus tenue de s’assurer du consentement du bénéficiaire dont le compte n’est pas crédité. C’est ce que nous rappelle l’arrêt du 27 novembre 2019 dans le cadre de l’examen du second moyen du pourvoi 18-11.439.
Le moyen unique du pourvoi 18-12.427, joint au premier, rendu sur le fondement de l’ancien article 1382 devenu 1240 du Code Civil, souligne que la situation de la banque présentatrice est différente : lors de la remise d'un chèque portant la mention de deux bénéficiaires, « la banque présentatrice est cependant tenue, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, de s’assurer du consentement de l’autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis ».
En l’espèce, les noms juxtaposés étaient celui d’une compagnie d’assurance (seul bénéficiaire initial) et celui d’un agent général de cette compagnie (ayant ajouté son nom en qualité de bénéficiaire).
Pour condamner la banque présentatrice à garantir la compagnie d’assurance à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre elle, la Cour retient que cette banque a commis une faute en procédant à l'encaissement des chèques litigieux à la demande d'un seul des deux bénéficiaires sans s'enquérir de l'accord de l'autre.
Or, selon la Cour de cassation, la Cour d’Appel aurait dû rechercher si la banque présentatrice ne pouvait pas considérer que l'agent général de la compagnie d’assurance avait reçu mandat de celle-ci pour l'encaissement des cotisations et, en conséquence, tenir pour acquis, lors de la présentation de chèques portant les noms de ces deux bénéficiaires, le consentement de la seconde à leur encaissement sur le compte du premier. Elle a ainsi privé sa décision de base légale.
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