COVID-19 : conséquences sur le contentieux locatif


droit immobilier

Publié le 27 mars 2020 par Elie AZEROUAL


Aux termes de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Gouvernement s’est trouvé habilité à prendre par voie d’ordonnances certaines mesures, relevant du domaine de la loi, concernant que la pérennité de l’usage des locaux professionnels et commerciaux ainsi que les expulsions locatives.

Par deux ordonnances (n° 2020-316 et 2020-331) parues au Journal Officiel du 26 mars 2020 mars 2020, le Gouvernement a adopté en ces domaines les règles suivantes :

 

i) S’agissant des mesures concernant les loyers et autres dépenses dues en exécution de contrats de location, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 prévoit que :

  •  les « pénalités financières ou intérêts de retard, dommages-intérêts, astreinte, exécution de clause résolutoire, clause pénale ou toute clause prévoyant une déchéance, ou activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux» ne peuvent s’appliquer ou être opposés à l’égard des « personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité » ;
  •  la suspension des mesures tendant à sanctionner d’éventuels défauts de paiement des loyers (ou à mettre en œuvre les garanties de paiement afin d’y remédier) s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 précitée.

A cet instant, il n’est prévu ni même annoncée aucune mesure concernant les baux portant sur des locaux à usage d’habitation.

En effet, le mécanisme de suspension des sanctions (contractuelles ou judiciaires) concerne uniquement les dettes locatives afférentes aux locaux professionnels ou commerciaux.

L’ordonnance n° 2020-317 portant création de ce fonds de solidarité (n° 2020-317) prévoit qu’un décret fixera les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides ainsi que leur montant.

Ceci étant, le ministère de l’Économie et des Finances et l’administration fiscale ont d’ores et déjà précisé que le bénéfice du dispositif instauré devrait être réservé aux :

  1. entreprises indépendantes de moins de 10 salariés, quelle que soit leur forme juridique ;

  2. entreprises individuelles, dont les micro-entrepreneurs et les sociétés, devraient pouvoir en profiter à condition de respecter les 2 conditions suivantes :
  • avoir un chiffre d’affaires 2019 inférieur à 1 million d’euros ou pour les entreprises non existantes au 1er mars 2019, les entreprises dont le chiffre d’affaires mensuel moyen jusqu’au 1er mars 2020 n’excède pas 83.333 euros,
  • avoir fait l’objet d’une fermeture par décision de l’administration ou appartenant à un secteur particulièrement « touché » ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires entre le 21 février et le 31 mars 2020 d’au moins 70% par rapport à la même période en 2019.

 

Ce point sera donc à préciser dès la parution du décret fixant définitivement les conditions d’éligibilité au dispositif d’aide.

 

En pratique, les actions aux fins de résiliation de plein droit des baux (commerciaux ou professionnels), par mise en œuvre des clauses résolutoires qui y sont fréquemment stipulées, se trouvent largement affectées par le dispositif instauré.

 Par exemple, lorsque les délais impartis aux locataires pour régler les causes du commandement de payer préalable à ces actions n’ont pas expirés avant le 12 mars 2020, lesdits locataires disposeront d’une prolongation automatique de ces délais jusqu’à l’expiration d’une période de deux mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

 Dans ce cas, si l’état d’urgence sanitaire devait cesser le 26 avril à minuit, les actions aux fins d’acquisition de clauses résolutoires ne pourraient être utilement exercées qu’à compter du 27 juin 2020.

 Il est par ailleurs prévisible que les actions aux fins de constatation de clauses résolutoires échues à une date antérieure mais proche du 12 mars 2020 donnent lieu à des suspensions de leurs effets par application des dispositions de l’article L. 145-41 du Code de commerce.

 

 ii) S’agissant des expulsions locatives, la Loi du 23 mars 2020 a également donné habilitation au Gouvernement d’adapter les dispositions concernant la trêve hivernale pendant laquelle les mesures d’expulsion sont suspendues.

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 prévoit à cet égard que la trêve hivernale est (exceptionnellement) reportée du 31 mars au 31 mai 2020