COVID-19 : Conséquences des mesures d’urgence sur les procédures collectives


droit commercial contentieux et arbitrages

Publié le 22 mai 2020 par Denis LAURENT


A la suite de l’ordonnance N°2020-341, qui a fait l’objet de notre bulletin d’information du 30 mars 2020, est intervenue une nouvelle ordonnance « COVID » N° 2020-596, sur cette matière des procédures collectives, signée le 20 Mai et publiée le 21 mai 2020. Elle institue des règles provisoires mais aussi des règles en attente de la transposition de la directive européenne et sans doute à vocation définitive.

Nous relevons ci-après les éléments notables de cette dernière ordonnance concernant les créanciers :

 

  1. La conciliation

A la suite de l’ouverture d’une conciliation, dès lors que l’un des créanciers aura expressément ou implicitement refusé de suspendre l’exigibilité de sa créance, le débiteur pourra, sur requête, demander au président du Tribunal, des délais jusqu’au terme de la mission du conciliateur, la mesure pouvant se cumuler avec les délais habituels de l’article L611-7. De fait, les délais peuvent être imposés sur plus de deux ans. (Jusqu’au 31 décembre 2020 – et applicable aux procédures en cours)

 

  1. La procédure de sauvegarde accélérée

Corollaire au fait de favoriser la conciliation depuis le début de la période « COVID », la procédure de sauvegarde accélérée (dont l’objet est l’accélération, après une préparation, de l’adoption du plan en conciliation) est facilitée en supprimant les seuils de sa mise en œuvre (nombre de salariés/ chiffres d’affaires). (Applicable jusqu’à la transposition de la Directive et au plus tard jusqu’au 17 Juillet 2021)

 

  1. La préparation du plan

Dans le cadre de la circularisation du projet de plan aux créanciers, le Juge Commissaire peut réduire le délai de réponse des créanciers à 15 jours (au lieu de 30). (Jusqu’au 31 décembre 2020 – et applicable aux procédures en cours)

 

Un projet de plan peut être établi, circularisé et retenu par le Tribunal sur la base non pas du passif déclaré, même contesté (comme actuellement), mais sur la base d’un passif admis, ou non contesté. On peut donc imaginer qu’un plan soit élaboré en écartant une dette tangible du débiteur que celui-ci refuse. La seule précaution retenue par le texte est l’exigence d’une attestation de l’expert-comptable ou du Commissaire aux Comptes sur ce passif. On pourra craindre le cas où l’expert-comptable ne dispose pas de toutes les informations nécessaires. (Jusqu’au 31 décembre 2020 – et applicable aux procédures en cours)

 

  1. Les modalités du plan.

Il est institué un nouveau privilège, appelé dans le texte « privilège de sauvegarde ou de redressement » (et en Doctrine de « post-money » par opposition à la « new-money ») relatif aux apports en trésorerie intervenant lors de la période d’observation (autorisés par le juge Commissaire), ou pendant la durée du plan mais du fait d’un engagement pris au moment du plan, et acté par le Tribunal dans le jugement de plan. Ce privilège s’inscrit après le privilège de conciliation (new-money) et celui du L622-17, II 1° (salaires non avancés). (Applicable jusqu’à la transposition de la Directive et au plus tard jusqu’au 17 Juillet 2021)

Le plan de sauvegarde ou de continuation, même prolongé par les dispositions de la précédente ordonnance du 27 mars 2020, peut encore être prolongé, pour une durée complémentaire de 2 ans, sur requête du Parquet ou du Commissaire à l’Exécution du plan. Nous nous acheminons donc vers des durées de plan courantes de 12 ans (et de 17 ans en matière agricole) ; ces durées sont liées par le texte au cas de « modification substantielle » sur les termes de remboursement, ce qui implique la consultation de créanciers qui pourront donc faire des observations écrites. (Jusqu’au 31 décembre 2020 – et applicable aux procédures en cours)

 

L’ordonnance fait tomber une interdiction historique : il permet au débiteur et à l’administrateur de demander une dérogation aux incompatibilités en cession. Il faut comprendre qu’au travers de ce système, le dirigeant peut être recevable à faire une offre d’acquisition (en plan de cession) dès lors que des emplois sont en jeu. Cela peut évidemment créer un effet d’aubaine immense pour un entrepreneur qui voudrait conserver son entreprise en se soulageant de son passif. La seule précaution retenue par le texte est la vigilance du Parquet et la surveillance des contrôleurs. On rappellera l’utilité pour un créancier de se faire nommer contrôleur ou de veiller à ce qu’un autre créancier le soit et soit actif. (Jusqu’au 31 décembre 2020 – et applicable aux procédures en cours)

A noter que la mention du plan se trouvera désormais supprimée du Kbis un an seulement après la décision de plan. (Applicable jusqu’à la transposition de la Directive et au plus tard jusqu’au 17 Juillet 2021)

 

  1. L’actualisation des allongements « COVID »

Comme dans les autres dispositions juridictionnels « COVID », la date du 23 Juin est désormais substituée à la référence à l’état d’urgence sanitaire dans l’ordonnance du 30 mars 2020 ; ce qui donne :

L’état de cessation des paiements est apprécié sur la base de la situation au 12 mars 2020 et ce jusqu’au 23 Aout 2020.

Les procédures de conciliation sont prolongées de plein droit de cinq mois.

Les périodes d’observations en cours jusqu’au 23 juin 2020, sont prolongées de plein droit de trois mois ;

Les plans sont prolongés de plein droit de trois mois.

 

Jusqu’au 23 Aout 2020, le Président du Tribunal, peut,

- sur requête du Commissaire à l’Exécution du plan, prolonger le plan pour une durée de 5 mois

- sur requête du Procureur, prolonger le plan pour une durée égale à un an.

 

Après le 23 aout 2020 et pendant 6 mois supplémentaires (soit jusqu’au 23 février 2021), le Tribunal, peut,

- sur requête du Commissaire à l’Exécution du plan ou du Procureur, prolonger le plan pour une durée d’un an.