COVID-19 : Aménagement des délais de procédure civile et d’action – Actualisation 2 – Suite et fin ?


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Publié le 15 mai 2020 par Denis LAURENT, Magali TARDIEU CONFAVREUX, Nicolas BAUCH-LABESSE et Elie AZEROUAL


L’ordonnance « délais » n°2020-306 du 25 mars 2020 modifiée le 15 avril 2020 est à nouveau modifiée dans le prolongement de l’adoption de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ayant finalement prorogé l'état d'urgence sanitaire au 10 juillet 2020[1].

Pour mémoire, cette ordonnance fixait la période juridiquement protégée (PJP) par référence à la durée de l’Etat d’urgence sanitaire (EUS) « déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 » (Art. I. 1er, initialement jusqu’au 23 mai 2020).

Du fait de la nouvelle loi et de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement devait se décider sur le maintien de l’alignement des deux périodes (PJP et EUS) ou leur déconnexion (v. notre newsletter du 4 mai 2020).

C’est la seconde option qui a été retenue motif pris de l’allègement du confinement du 11 mai 2020 permettant aux acteurs économiques de procéder aux actes et formalités prescrits par la loi[2].

Dans ces conditions :

  • La période juridiquement protégée (PJP) est désolidarisée de la durée de l’Etat d’urgence sanitaire (EUS).
  • La fin de la période juridiquement protégée (PJP) est fixée à la date du 23 juin 2020 et le point de départ des durées de suspension ou de prorogation en matière de délais échus du 12 mars au 23 juin 2020 sera donc invariablement le 23 juin 2020.

 

1. Délais de procédure civile ou sous peine de sanction

 

Désormais, la situation est la suivante :

 

  • Les délais concernés(nouvelle PJP) : Tous ceux expirant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 à minuit[3].(Art. 1 de l’Ordonnance « délais » n°2020-306 du 25 mars 2020)

 

  • Sa large application (inchangée) :

Les actes, recours, actions en justice, formalités, inscription, déclarations, notifications ou publications, prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, désistement d’office, péremption, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque. (Art. 2 de l’Ordonnance « délais » n°2020-306 du 25 mars 2020)

 

  • Les modalités d’aménagement (nouvelle période juridiquement protégée) :

Prorogation des termes échus, pour leur durée initiale, à compter de la fin de la période juridiquement protégée, soit à compter du 23 juin 2020[4], sans que cette durée ne puisse cependant dépasser deux mois. (Art. 2 de l’Ordonnance « délais » n°2020-306 du 25 mars 2020)

 

 

Première conséquence (inchangée) : que le délai ait expiré le 13 mars 2020, le 15 avril 2020, ou le 22 juin 2020, les mêmes règles s’appliqueront.

Deuxième conséquence (inchangée) : contrairement à une suspension « classique », le temps ayant couru avant le 12 mars 2020 n’est pas pris en compte et les délais commencent à courir à nouveau pour leur durée initiale, sans pouvoir dépasser deux mois à compter du 23 juin 2020.

 

Exemples : considérant la période juridiquement protégée désolidarisée de l’état d’urgence du 12 mars au 23 juin 2020 :

  • Un délai d’appel d’un mois devant expirer le 15 mars, 15 avril ou 15 mai, jusqu’au 23 juin 2020 courra à nouveau à partir du 23 juin 2020 à minuit jusqu’au 23 juillet 2020, fin du délai d’un mois légalement imparti pour interjeter appel.
  • Un délai de dépôt de conclusions d’intimé de trois mois devant expirer le 15 mars, 15 avril ou 15 mai jusqu’au 23 juin 2020 courra à nouveau à partir du 23 juin 2020 mais sa durée sera limitée à deux mois à compter de cette date et expirera donc le 23 août 2020 à minuit.
  • Le délai d’information des cautions sur les encours du débiteur principal devant expirer 31 mars 2020, courra à nouveau à partir du 23 juin 2020, mais sa durée sera limitée à deux mois à compter de cette date et expirera donc le 23 août 2020. SOUS RESERVE DE DISPOSITIONS SPECIALEMENT APPLICABLES ET DEROGATOIRES D’ICI-LA

 

Il se déduit que le filet de sécurité maximal en matière de délais s’étend au 23 août 2020.

 

2. Clauses pénales, résolutoires, déchéance du terme et astreinte

 

Les modifications de l’ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020 des dispositions afférentes aux astreintes, pénalités, clause résolutoire, clause de déchéance du terme devant prendre effet pendant la période juridiquement protégée sont maintenues en l’état :

« Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets, est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.  La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1er, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période. Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er. ». (Art. 4 de l’Ordonnance « délais » n°2020-306 du 25 mars 2020 version modifiée par l’ordonnance du 15 avril 2020)

 

Seule la définition de la période juridiquement protégée se trouve mécaniquement modifiée du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 à minuit [5].

 

[inchangé] Si le délai dans lequel le débiteur devait exécuter son obligation, expire dans cette période, alors les effets des clauses concernées (astreintes, pénalités, clause résolutoire, clause de déchéance du terme) sont :

  • suspendus pour les clauses résolutoires et de déchéances du terme,
  • interrompus pour les astreintes et les pénalités.

 

Exemple : Considérant la période juridiquement protégée désolidarisée de l’état d’urgence du 12 mars au 23 juin 2020 :

  • Pour une mise en demeure visant la déchéance du terme de payer les échéances sous quinzaine, reçue le 5 mars 2020, la déchéance du terme n’est pas acquise le 20 mars 2020. Ses effets sont reportés pour une durée égale au temps écoulé entre le 12 mars et le 20 mars, ce report courant à compter du 23 juin 2020[6]. Soit dans notre exemple : 23 juin + 8 jours = 1er juillet 2020.
  • Les pénalités sur échéances impayées ou la majoration du taux d’intérêt ayant pris effet avant le 12 mars doivent être interrompus du 12 mars au 23 juin 2020. Il faudra y veiller dans l’établissement des décomptes de créance pour leur date d’exigibilité.

 

3. Saisies immobilières :

 

Attention : Les régimes devraient être alignés mais pour l’heure, la modification de la période juridiquement protégée ne concerne que les délais  issus de l’Ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020.

En matière de saisie immobilière, les délais sont à ce stade suspendus pendant la période juridiquement protégée  (Ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020).

Ainsi, et sauf nouvelle ordonnance à intervenir que nous vous signalerons, les délais en cours au 12 mars 2020 reprennent, dans les procédures de saisie immobilière, à compter du 10 août 2020 pour le solde du délai restant à cette date du 12 mars.

 

Exemple : considérant que l’état d’urgence sanitaire dure jusqu’au 10 juillet à minuit :

  • Si un commandement de saisie a été délivré le 12 février 2020 et n’a pu être publié avant le 12 avril 2020 (délai normal), alors qu’il restait pour cela encore un mois à compter du 12 mars 2020, il pourra être publié un mois (le mois restant) à compter du 10 aout 2020, soit au plus tard le 10 septembre 2020.

 

 

Notes de bas de page :

[1] Sur adoption d’un amendement n°414 du rapporteur M.BAS au Sénat, supprimant la date du 23 juillet 2020 comme initialement proposé par le gouvernement dans le projet de loi du 2 présenté le 4 mai 2020. Sur rejet à l’Assemblée Nationale des nombreux amendements proposant la date du 23 juin 2020.

[2] « Dans la mesure où l’activité économique reprendra à compter du 11 mai, et que l’allégement du confinement permettra aux opérateurs économiques de procéder aux actes et formalités prescrits par la loi, à cette référence fondée sur la fin de l’état d’urgence sanitaire peut être désormais substituée une date fixe dans l’ordonnance qui a adapté les délais à la crise sanitaire ». Rapport au Président de la République relatif à l’Ordonnance délais 2, p.1.

[3] Non plus par référence à la cessation de l’état d’urgence sanitaire (qui aurait pu initialement être le 23 juin, puis le 23 août, et le 20 août 2020).

[4] Anciennement du mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire

[5]  Et non plus du 12 mars 2020 au 23 aout 2020, soit anciennement par référence à l’état d’urgence sanitaire +1 mois

[6] Et non plus à compter du de la fin de la période de référence (ancienne période juridiquement protégée),